Plongez dans l’actualité, les infos, de l’époque du costume porté : 1920
Anna, un héritage vivant au cœur de Brasparts.
Dans le bourg de Brasparts, une maison se dresse comme un témoin silencieux du temps qui passe. « Ti va zadou », la maison de mes ancêtres. Cinq générations s’y sont succédé, et c’est là qu’Anna, originaire du Finistère, a grandi, bercée par ce lien intime avec ses racines. En 2016, alors qu’elle participe à la rénovation d’une partie de cette demeure, elle fait une découverte inattendue : fragments de costumes bretons, photographies anciennes, cartes postales signées François Joncour, photographe et figure locale du XXe siècle. Un déclic. Comme si les murs eux-mêmes lui rappelaient que son histoire s’inscrivait dans une trame plus vaste : celle de la culture bretonne.
Envie d’une histoire ? : Anna, le coffre… (fiction)
Peu de temps après, Anna franchit la porte du cercle celtique de Châteaulin. Elle, qui avait jusque-là exploré le scoutisme, l’équitation ou encore le violon, trouve dans la danse bretonne un terrain d’épanouissement. Ce qui n’était d’abord qu’une pratique devient rapidement un engagement. Danseuse passionnée, elle se lance aussi dans l’écriture chorégraphique, la coordination de projets et la vie associative. Le costume traditionnel, découvert dans sa maison familiale, prend une place centrale : à travers lui, Anna nourrit sa curiosité pour l’histoire locale et donne corps à ses racines.
Son désir d’approfondir cette identité la pousse à apprendre le breton à Quimper, en immersion. La langue devient pour elle plus qu’un outil : un lien vivant avec son territoire, un moyen de comprendre autrement les chants, les récits, la mémoire.
En 2023, son engagement est reconnu de la plus belle manière : Anna est élue Reine de Cornouaille, pour le centenaire de cette élection. À travers ce rôle, elle représente la Bretagne lors de festivals, inaugurations et rencontres, portant haut les couleurs de son pays d’origine. Son dossier, consacré à François Joncour, tisse un pont entre histoire familiale, patrimoine local et création contemporaine.
Mais c’est sans doute dans le chant que bat le cœur de son attachement. Aux côtés de Didier, un ami rencontré au cercle, elle pratique le kan-ha-diskan, ce chant à danser a cappella où les voix s’entrelacent. Ensemble, ils reprennent des airs du Finistère, avec une affection particulière pour la gavotte de Brasparts. Chanter et danser à la fois, parfois dans le tumulte d’une grande salle, relève du défi ; mais c’est aussi, pour Anna, une manière de vivre pleinement la tradition.
Entre sa maison ancestrale, la danse, le chant et la langue bretonne, Anna ne se contente pas de préserver : elle incarne une culture vivante, en mouvement, profondément enracinée et résolument tournée vers l’avenir.
Juin 2024
100 eme Reine de Cornouaille, Anna raconte…
Je m’appelle Anna Robert, et j’ai choisi de reconstituer un costume de mariée traditionnel de Brasparts, ma région d’origine en Cornouaille, pour participer à l’élection de la Reine de Cornouaille. Mon costume s’inscrit dans la période des années 1920, une époque où la mode traditionnelle bretonne commence à être influencée par des styles plus citadins et l’introduction de nouveaux tissus. J’ai voulu saisir cette période de transition dont l’esthétique me plaît beaucoup.
Le costume que j’ai choisi de reproduire est celui porté par Marie-Catherine P. lors de son mariage avec Jean-Louis Marie M. en 1925 à Brasparts. Ce costume est très représentatif de la mode portée en pays Rouzig, mon pays : sobre mais chic !
À Brasparts, par exemple, la coiffe possède des ailes en forme de « 8 » relevées, alors que dans d’autres parties du pays Rouzig, les ailes sont remontées de façon plus droite sur le sommet de la tête et maintenues rectilignes par une paille. J’ai été attirée par l’idée de reconstituer un costume de ma commune d’origine et dans une mode où je me sens élégante.
Le costume de mariée de Brasparts que j’ai décidé de recréer se compose d’une jupe, d’une camisole (le haut), d’un croisé (pièce de textile carré sur la poitrine), d’un tablier brodé, d’une coiffe et d’un col. J’ai sélectionné ce costume à partir d’une photo en particulier à cause du tablier, qui mélange des broderies au fil et Richelieu. La broderie n’était pas courante dans notre pays avant 1915, mais elle s’est développé dans les années 1920, apportant une touche de modernité tout en restant ancré dans les traditions locales.
Pour réaliser ce projet, j’ai consulté plusieurs sources, dont des photos anciennes, des pièces textiles conservées dans des musées, et des récits oraux recueillis auprès de personnes âgées de Brasparts. J’ai travaillé étroitement avec Christophe Le G., un spécialiste du costume de Brasparts, qui m’a aidé à rassembler des photos et des descriptions de costumes de mariée des années 1920. Solène B., une brodeuse professionnelle, a également joué un rôle crucial en recréant les motifs de broderie du tablier à partir d’une photographie et des pièces textiles d’époque reprenant le motif de broderie. Malheureusement, je n'ai pas pu inclure d'éléments authentiques du costume d'origine dans ma reconstitution car ces éléments sont trop fragiles aujourd’hui. Cependant, j'ai utilisé des bandes de perles de jais authentiques provenant d'une jupe des années 1920 trop grande pour moi.
Le processus de reconstitution a été minutieux. Nous avons d’abord cherché les tissus dans divers magasins du Grand Ouest. Pour le tablier, j’ai opté pour du satin de soie duchesse, tandis que la jupe et la camisole ont été réalisées en satin de laine et de coton. Le velours bleu nuit que nous avons choisi pour ses reflets bleutés était utilisée pour confectionner les costumes à Brasparts à l'époque (petite subtilité par rapport aux costumes de nos voisins!)
Ensuite, nous avons travaillé sur les broderies, en consultant des experts et en étudiant attentivement les motifs sur des photos anciennes. La coiffe, élément central du costume, a été brodée selon un modèle authentique par Francine Salaün, une brodeuse réputée en broderie blanche. Pour la parure de mariée, Christophe L. s’est inspiré de la photographie du couple de 1925, recréant chaque détail avec soin dont la livrée et la couronne en fleurs d’oranger, signe distinctif de la mariée autrefois.
Voir le costume finalisé fut une expérience pleine d’émotions pour moi. Le résultat a largement dépassé mes attentes, et je suis ravie d’avoir pu contribuer à la préservation de notre patrimoine culturel. Mon objectif en recréant ce costume pour participer à l’élection de la Reine de Cornouaille était de rendre hommage à mes ancêtres, à la richesse de notre histoire vestimentaire et de créer un costume que je pourrai reporter par la suite. Je suis très fière du travail accompli par une belle équipe de gens talentueux et de la précision apportée à chaque étape de cette reconstitution. Mon costume représente non seulement une mode passée, mais aussi une partie vivante de notre culture bretonne.
A mes yeux ce costume me donne confiance en moi, ancrée dans mes origines et élégante comme aucune autre tenue, même plus moderne.
Mariage de Jean Louis Marie M. et Marie Catherine P. le 14 juin 1925